Hopelove Artiste de A à Z

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Chronique d'une adolescente lesbiene : Chapitre 4

Chapitre 4

 

La chair de poule et les frissons qui me parcourraient l'échine persistèrent un moment avant de me quitter et de me laisser reprendre mes esprits. Sûrement le manque de sommeil, me dis-je. J'avais continué de somnoler et avais imaginé cette scène, le stress avait accentué tout ça. Je m’humidifiais le visage avec de l'eau fraîche et entrepris de me maquiller. Les cicatrices de coups avaient presque totalement disparu, heureusement depuis le temps. J'ouvris ma trousse de maquillage comme un peintre sortirait sa toile, ses pinceaux et peintures. Comme lui, je me mis à masquer le blanc, l'espace vide, à combler une réalité trop brute, à déguiser la laideur, le naturel, à créer. Rapidement mon visage se transforma en œuvre. Personne de ne se douterait de l'état dans lequel il était quelques jours plus tôt.

Sur le billet d'absence, j'assassinerais un quelconque proche, qui justifierait la semaine où je n'avais pas mis les pieds au collège. Un jean, un top, une veste, des ballerines, un poing américain, mon sac, rien ne manquait. Quand on prend le métro et qu'on s'aventure dans des ruelles sombres, il vaut mieux passer inaperçu et avoir de quoi se défendre quand on n'en a pas la force.
Dix minutes plus tard, je me laissais bercer par les vibrations du métro sur les rails, comme presque tous les autres passagers à vrai dire. Le regard dans le vide, tourné vers la paroi du tunnel taguée, je me perdais dans un labyrinthe de pensées.


Dans ma descente aux enfers, sur ce chemin sombre, ma route avait croisée celle d'un semblant d'amie. Je lui avais accordé un simple regard, un regard de trop, j'avais croisé le sien et c'était trop tard. J'aurais préféré prendre un sentier plus abrupt, pour ne pas la rencontrer. Sa présence devint vite trop pesante, elle était passée de l’oxygène au gaz de ma triste réalité.

 

Mais notre relation ne fut pas éclair cependant. Entre le début et la fin, il y eu une longue période de faim...

 

Pendant plusieurs mois les œillets qu'elle m'avait mis sur les yeux m'empêchaient de voir la vérité en face, de voir sa face cachée. Comme moi, elle s'appelait Ana, mais je sus plus tard que ce n'était qu'un acronyme moins laid que son nom complet.
Elle avait un corps de magazine, que j'enviais. Les coups de mon bourreau de père sur mon corps frêle manquaient à chaque fois de me briser un os. Je m'était donc construit une armure au fur et à mesure. Armure réconfortante, de chocolat, de bonbons, de sucre, château fort édulcoré, de 12 kilos. Les couleurs arc-en-ciel des sucreries redonnaient un aspect joyeux à ma vie en noir et blanc. Mais je connut pire que la violence physique. Les moqueries aiguisées de mes camarades étaient bien plus douloureuses que les coups de poing au visage. À chaque éclat de rire derrière moi, je me sentais agressée, humiliée. J'étais devenue la grosse truie. Ana la vache. Ana le thon. Ana gros tas. Ce qu'il ne savait pas, c'est qu'au fond j'étais juste Ana a mal. Mon ventre rond, mes joues potelées étaient une protection, tout autant qu'une malédiction. J'étais une fille pas comme les autres, mais je voulais justre être une fille comme toutes les autres

Un soir de plus où j'étais seule dans mon lit avec pour seule compagnie des tablettes de chocolat, pleurant sur mon oreiller, écouteurs faisant résonner de la musique au volume maximum dans mes oreilles pour ignorer le bruit de mes sanglots, Elle frappa à ma porte. Je n'attendais personne d'autre que Morphée ce soir-là, surprise, il me fallut du temps avant de réaliser qu'une amie se présentait à ma porte. Je la découvris en ouvrant un pop-up sur internet. Un corps de rêve, taille de magazine, jambes d'échassier, corps de déesse, elle sut me charmer avec son physique merveilleux, et m'attirer dans ses filets.

 

J'avais répondu à l'appel de la belle Sirène, son chant envoûtant m'ayant convertie et rendue docile à tout ce qui suivrait. Elle s'adressait à moi directement dans une lettre, identique à celle qu'elle devait présenter aux autres jeunes filles qui faisaient partie de son cercle privé. Je lus, comme si c'était une Bible, un livre saint et sacré. Je ne me méfiai de rien, trop naïve peut être, ou trop débordante d'envie et d'espoir de pouvoir devenir comme Elle, me rapprocher, être son idéal, faire partie du cercle d'amis privé et spécifique.

 

Elle endormit la partie de moi sensée et inquiète de mon être qui s'alarmait de plus en plus à chaque phrases avec de belles promesses, de beaux mensonges. Maintenant droguée, convertie, j'ouvrais la porte à cette nouvelle amie que j'avais appris à connaître, à aimer en aussi peu de temps qu'il avait fallu à La toile pour me capturer par ses images que je n'avais pas choisi de rencontrer. Mes larmes arrêtèrent de mouiller mes joues, Ana les séchait avec ses doigts longs et osseux que j'enviais. Les couleurs réconfortantes des cochonneries que je mangeais juste avant de croiser le chemin de cette meilleure amie devinrent fades, ternes. J'en perdis l'appétit, l'envie de me gaver comme une truie, Ana la truie, c'était fini. J'imprimais tous ces commandements, je continuais de visiter ce site qui m'apparaissait comme un paradis, de sombrer dans la maladie.

 

Je me sentais bien je me trouvais belle, en perdant chaque jour cette armure devenue prison. Et un et deux et trois kilos en moins, je les comptais comme on compte les moutons pour s'endormir, comme une enfant innocente qui ne comprend pas dans quoi elle s'embarque. Cette histoire passionnelle avait pourtant bien commencé, elle me rendait belle au fur et à mesure que les jours passaient. Mais vite je devins fatiguée, essoufflée, de l'oxygène elle était devenue le gaz qui m'asphyxiait. Quand je faisais une crise et que je mangeais un peu plus de 500 calories, j'en venais à espérer que ce soit ce soir-là que mon père rentrerait ivre pour me frapper. Je devenais folle. Elle ne m'inspirait plus que de la haine. Quand j'écrivais ces trois lettres suivies d'insultes, il m'était impossible de savoir si c'était elle ou moi qui se cachait derrière " Ana'' ".

 

Au collège, les moqueries avaient disparues, laissant place à la crainte et à la pitié. C'est avec l'infirmière du collège que je découvris ce qui s'était passé sans que je ne m'en rende compte, dans quelle histoire je m'étais fourrée comme un lapin dans un terrier de renard...

 

Ana, ce n'était pas pour anonyme, c'était pour anorexie. J'avais juste voulu perdre les kilos qui me valaient tant de sanglots, j'avais juste cru trouver une amie. Je me retrouvais seule, emprisonnée par la maladie...
Ma santé en était arrivée à un stade critique, tout ça pour éviter les critiques.

 

Mon père m'en voulut, et j’eus peur qu'il ne me frappe plus souvent et plus fortement, sachant pertinemment que mon corps à bout n'aurait pas supporté. Les simples rafales de vent du mois de janvier faisaient plier mes jambes squelettiques, une claque m'aurait brisée tout entière. Mais dans ce malheur qui avait su s'insinuer en moi de façon maligne, la chance avait pu fleurir : mon père s'occupa de moi, très inquiet de mon état.
Il cessa de me battre, me soutint et s'intéressa à moi. Après un malaise qui m'avait mené aux urgences, j'eus des rendez-vous avec les psychologues de l'hôpital . Il fut convenu que mon état était trop grave pour me laisser " dans la nature ", que j'étais un danger potentiel pour ma propre personne. Je dus donc intégrer ce centre pour les ados ayant des problèmes divers, pour qu'ils puissent m'aider, disaient-ils, et pour surveiller mon alimentation, avais-je compris. Pendant ce temps d'hospitalisation, je songeais souvent à ma sœur, et craignais l’état dans lequel je la retrouverais à ma sortie... Et j'avais raison de le redouter.



06/12/2014
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